Goma, 19 avril 2025 — L’arrivée de l’ancien président Joseph Kabila à Goma, épicentre de la crise sécuritaire dans l’est de la RDC, continue de susciter interrogations et spéculations. Officiellement, silence radio. Ni le gouvernement, ni l’opposition, ni même la société civile ne s’aventurent à commenter ouvertement ce retour jugé aussi stratégique que sensible.
Un silence pesant au sommet de l’État
La 36e session du Conseil des ministres, tenue vendredi à Lubumbashi sous la direction du président Félix Tshisekedi, n’a fait aucune allusion à l’arrivée de Kabila dans une zone tenue par le M23/AFC, groupe armé soutenu par le Rwanda, selon les Nations unies et plusieurs chancelleries occidentales.
Un membre du gouvernement, joint par MonJournal.co, affirme qu’aucun point ni commentaire n’a été consacré à l’ex-président, évoquant une volonté de ne pas « enflammer la situation par des interprétations prématurées ». D’autres sources au sein du cabinet présidentiel se montrent plus prudentes, certaines cherchant même à obtenir confirmation de cette arrivée, pourtant relayée par plusieurs médias dont RFI.
Une manœuvre politique ou un geste de réconciliation ?
Installé en Afrique australe depuis 2024, Joseph Kabila avait annoncé son retour imminent le 8 avril dernier, dans une déclaration où il dénonçait la « déliquescence » des institutions congolaises et la « dégradation sécuritaire » du pays. Il affirmait alors vouloir commencer par l’est car « il y a péril en la demeure ».
Le choix de Goma comme première étape de ce retour interpelle : ville emblématique du conflit, elle est actuellement sous contrôle partiel ou total du M23/AFC. Certains cadres du pouvoir y voient une preuve de proximité tacite avec la rébellion.
« Cela ne nous étonne pas », lâche un proche du président Tshisekedi, sans plus de détails.
Du côté de l’entourage de Joseph Kabila, cette lecture est catégoriquement rejetée.
« Il revient en homme de paix, sans lien avec aucun mouvement armé », déclare un de ses collaborateurs, qui affirme que l’ancien président souhaite « contribuer à une solution congolaise » à la crise.
Une attente feutrée dans l’opposition et la diplomatie
Les partis d’opposition, eux aussi, observent une retenue stratégique. Même dans les rangs du camp Fayulu, pourtant historiquement opposé à Kabila, certains reconnaissent en privé qu’il reste un acteur incontournable dans l’équation congolaise.
Un diplomate en poste à Kinshasa, interrogé par MonJournal.co, estime que « ses actes à venir seront plus révélateurs que ses intentions supposées ».
La coalition Front Commun pour le Congo (FCC), dont Kabila reste la figure tutélaire, n’a émis aucun commentaire officiel. Ce mutisme semble volontaire, dans l’attente d’une probable prise de parole publique de l’ancien président dans les prochains jours, selon plusieurs sources proches.
Un retour qui rebat les cartes ?
À l’approche de la session du Conseil national de sécurité élargie, le retour de Kabila pourrait devenir un facteur catalyseur, que ce soit en réorientation du dialogue politique ou en recomposition des alliances. Pour l’instant, les Congolais, et particulièrement les Kivutiens, observent avec attention les premiers gestes de leur ancien président revenu sur une terre marquée par la guerre, les déplacements massifs et l’abandon de l’État.
Kabila fera-t-il de ce retour une plateforme de médiation ou un tremplin pour une reconquête politique ? L’énigme reste entière.
