La crise sécuritaire qui secoue la province du Nord-Kivu a des conséquences désastreuses sur le système de santé déjà fragilisé. Le ministère de la Santé, de l’Hygiène et de la Prévoyance sociale a publié un rapport alarmant sur l’impact des combats entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du M23, notamment sur la gestion de l’épidémie de Mpox (variole du singe). Selon ce rapport, 128 patients sur les 143 cas confirmés ont fui les centres de traitement de Goma, Karisimbi et Nyiragongo, désertant les structures d’isolement en raison des affrontements.
Le 24 janvier 2025, les chiffres officiels indiquaient que 143 patients étaient en isolement dans ces trois zones de santé. Or, face à l’intensification des combats et aux multiples pillages, seuls 15 malades y restent encore pris en charge, alors que les 128 autres ont fui, laissant craindre une propagation incontrôlée du virus.
Des Centres de Traitement Dévastés par la Guerre
Le rapport du ministère révèle que plusieurs centres de traitement (CT) ont été pris pour cible par des pillards, compromettant les efforts de riposte contre l’épidémie. Certains établissements ont été totalement dévalisés, emportant avec eux médicaments, matériel médical, équipements de soins et produits essentiels pour la prise en charge des patients.
Les structures de soins de Goma, Karisimbi et Nyiragongo, qui accueillaient les malades en isolement, sont aujourd’hui quasiment hors d’usage, faute d’équipements et de personnel suffisant pour assurer le suivi des cas.
Le manque de sécurité dans la région ne permet plus aux équipes médicales de travailler efficacement. Plusieurs prestataires de santé ont déserté les hôpitaux et les centres de traitement, par crainte pour leur propre sécurité. Dans ce contexte, l’épidémie risque de s’aggraver rapidement, alors même que la population locale peine à accéder aux soins.
Un Système de Santé en Détresse
La détérioration du contexte sécuritaire a des conséquences désastreuses sur la gestion de la santé publique au Nord-Kivu. Le ministère de la Santé a dressé une liste de problèmes majeurs auxquels font face les acteurs de la riposte :
- Accès extrêmement limité aux zones affectées, rendant difficile la prise en charge des malades
- Rupture totale en médicaments et autres intrants médicaux, empêchant l’administration de soins appropriés
- Pillage des entrepôts médicaux et des structures de santé, mettant en péril les réserves disponibles
- Vols de la logistique médicale et non médicale, y compris les équipements fournis par des organisations humanitaires telles que le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et Médecins Sans Frontières (MSF)
- Manque d’eau potable et d’électricité, compliquant le fonctionnement des infrastructures médicales restantes
- Refus des blessés (notamment militaires) d’être réintégrés dans la communauté, accentuant la pression sur les hôpitaux déjà surchargés
- Insuffisance de moyens logistiques, y compris un manque de corbillards, ce qui ralentit l’évacuation des corps
- Pénurie d’ambulances et de sacs mortuaires, compliquant les interventions d’urgence
- Nombre insuffisant de chirurgiens spécialisés, notamment en traumatologie, chirurgie maxillo-faciale et anesthésie-réanimation
Dans un contexte où les infrastructures médicales sont prises pour cible et les ressources deviennent rares, la situation humanitaire prend une tournure de plus en plus dramatique.
Une Réunion de Crise Pour Pallier l’Urgence
Face à cette situation préoccupante, le ministère de la Santé a convoqué une première réunion d’urgence avec la Direction Provinciale de la Santé (DPS) et différents partenaires humanitaires et sanitaires. L’objectif de cette rencontre était d’évaluer les capacités de réponse et d’organiser un appui d’urgence pour assurer la continuité des soins et limiter la catastrophe sanitaire en cours.
L’une des priorités identifiées est le réapprovisionnement rapide en médicaments et matériel médical, ainsi que le renforcement de la protection des structures de santé face aux pillages.
Un Bilan Epidémiologique Alarmant
Selon les dernières données disponibles, la situation sanitaire autour de l’épidémie de Mpox continue de s’aggraver :
- 2.707 cas suspects ont été signalés récemment
- 38 décès ont été enregistrés au cours de la semaine (S03)
- 516 nouveaux cas confirmés ont été recensés
Depuis l’apparition de l’épidémie de Mpox en République Démocratique du Congo, le pays a enregistré un total de 72.597 cas, dont 13.696 confirmés et 1.407 décès.
Un Effort de Vaccination en Cours
Malgré les nombreux défis logistiques et sécuritaires, le programme de vaccination contre Mpox se poursuit tant bien que mal. À ce jour, 67.759 personnes ont reçu une dose de vaccin sur l’ensemble du territoire national.
Toutefois, le déploiement de la campagne de vaccination reste fortement perturbé par les conflits et le manque de ressources. Les autorités sanitaires appellent à une mobilisation accrue de la communauté internationale pour renforcer l’aide humanitaire et éviter une crise sanitaire de grande ampleur.
Vers une Catastrophe Sanitaire si Rien n’Est Fait
La fuite massive des malades des centres d’isolement et la destruction des infrastructures de santé posent un véritable problème de santé publique. La propagation incontrôlée du virus pourrait accélérer la transmission au sein de la population, rendant la riposte encore plus difficile.
Dans un climat d’insécurité grandissante, les autorités congolaises se retrouvent confrontées à un double combat : faire face à une situation sanitaire hors de contrôle, tout en gérant une crise sécuritaire qui paralyse l’ensemble du système de santé.
Si des mesures d’urgence ne sont pas mises en place rapidement, le Nord-Kivu risque d’être le théâtre d’une crise sanitaire majeure, mettant en danger des milliers de vies.
