Qui sont ces Congolais déjà arrêtés ?
Depuis plus de deux décennies, la République Démocratique du Congo (RDC) est ravagée par des conflits sanglants, particulièrement dans l’Est du pays, où se mêlent milices, armées étrangères et exploitation illicite des minerais. En 2004, la Cour Pénale Internationale (CPI) a promis de traduire en justice les responsables des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Vingt ans plus tard, six hommes – cinq Congolais et un Rwandais – ont comparu devant la CPI. Qui sont-ils ? Que révèlent-ils sur une justice internationale qui peine à suivre le rythme d’une guerre qui ne s’arrête jamais ?
Thomas Lubanga : Le pionnier des enfants soldats
Arrêté en 2006, Thomas Lubanga, chef de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), fut le premier Congolais jugé par la CPI. Son crime principal : l’enrôlement d’enfants soldats en Ituri en 2002-2003. Condamné en 2012 à 14 ans de prison, il a fini de purger sa peine en 2020. Son procès a mis en lumière les atrocités commises sur les enfants, mais a laissé d’autres crimes impunis, frustrant les victimes d’Ituri.
Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo : Les bourreaux de Bogoro
En 2003, le massacre du village de Bogoro en Ituri a fait des centaines de morts. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, chefs de milices rivales, ont été arrêtés respectivement en 2007 et 2008 pour répondre de ces atrocités.
- Katanga a été condamné en 2014 à 12 ans de prison pour crimes de guerre et a été libéré en 2016 après avoir exprimé des remords.
- Ngudjolo, lui, a été acquitté en 2012, faute de preuves suffisantes.
Leurs destins contrastés illustrent les difficultés de la CPI à établir des responsabilités claires dans un conflit aux alliances mouvantes.
Bosco Ntaganda : « Le Terminator » derrière les barreaux
Ancien chef militaire surnommé « Terminator », Bosco Ntaganda a dirigé des groupes armés en Ituri et dans les Kivus. En 2013, il se rend de son propre chef à la CPI, après avoir fui au Rwanda.
Condamné en 2019 à 30 ans de prison pour meurtres, viols et esclavage sexuel, il reste le condamné le plus lourdement sanctionné par la CPI. Cependant, son implication dans le M23, groupe rebelle actif aujourd’hui dans le Nord-Kivu, n’a jamais été jugée, ce qui soulève des questions sur les limites de la justice internationale.
Jean-Pierre Bemba : Un politique au destin mouvementé
Contrairement aux autres, Jean-Pierre Bemba, ex-vice-président de la RDC et chef du Mouvement de Libération du Congo (MLC), n’a pas été jugé pour des crimes en RDC, mais pour les exactions commises par ses troupes en Centrafrique en 2002-2003.
- Arrêté en 2008 en Belgique, il est condamné en 2016 à 18 ans de prison.
- En 2018, il est acquitté en appel, une décision controversée qui a relancé le débat sur l’efficacité de la CPI.
Bemba incarne les ambiguïtés d’une justice internationale qui touche certains dirigeants mais pas toujours là où les victimes l’attendent.
Callixte Mbarushimana : L’ombre rwandaise en RDC
Seul non-Congolais de cette liste, Callixte Mbarushimana est un Rwandais des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), groupe rebelle opérant dans l’est de la RDC.
Arrêté en 2010 en France, il est libéré en 2011, les charges n’ayant pas été retenues. Son cas montre l’incapacité de la CPI à poursuivre les acteurs étrangers impliqués dans le conflit congolais, alors même que le Rwanda et l’Ouganda sont régulièrement accusés d’ingérence.
Une justice aux mains liées face à un conflit sans fin
Six arrestations en 20 ans, pour un conflit qui a fait des millions de morts et plus de 7 millions de déplacés en 2025 : le bilan de la CPI en RDC est mince.
- Les poursuites se sont limitées à quelques chefs de guerre, principalement en Ituri.
- Les figures politiques et les soutiens étrangers des groupes armés, comme ceux du M23, restent intouchés.
- Sylvestre Mudacumura, autre chef des FDLR recherché depuis 2012, n’a jamais été arrêté.
Les visages absents et les victimes oubliées
Derrière ces six hommes jugés, des millions de victimes attendent encore justice. Les femmes violées, les enfants enrôlés, les familles déplacées par le M23 ou les FDLR n’ont eu que des fragments de réparation.
La CPI a certes marqué des points avec Lubanga et Ntaganda, mais elle n’a pas réussi à stopper le cycle de la violence. Qui seront les prochains visages jugés ? Les vrais responsables seront-ils un jour traduits en justice ?
En attendant des réponses, la guerre continue dans l’est du Congo, et chaque jour, les visages des victimes s’ajoutent à une liste sans fin.