Après plus de deux ans et demi derrière les barreaux, Jean-Marc Kabund, ancien président de l’UDPS et ex-premier vice-président de l’Assemblée nationale, a quitté la prison centrale de Makala ce vendredi 21 février 2025 dans la soirée. Son incarcération et sa condamnation avaient fait couler beaucoup d’encre, devenant un véritable cas emblématique des tensions politiques en RDC.
Alors que son camp célèbre cette libération, plusieurs zones d’ombre subsistent : s’agit-il d’une liberté conditionnelle ou d’un acquittement total ? Quel sera l’impact de son retour sur la scène politique congolaise ?
Un parcours marqué par la rupture avec l’UDPS
Jean-Marc Kabund, autrefois l’un des hommes les plus influents du régime Tshisekedi, avait connu une ascension fulgurante au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel. Considéré comme un fidèle lieutenant du chef de l’État, il avait joué un rôle clé dans la consolidation du pouvoir de Félix Tshisekedi après l’élection de 2018.
Cependant, son éviction brutale de l’Assemblée nationale en 2022 a marqué le début de sa descente aux enfers. Mécontent de la gestion du pouvoir, il a pris ses distances avec l’UDPS avant d’annoncer en juillet 2022 la création de son propre parti politique, l’Alliance pour le Changement (A.ch). C’est à cette occasion qu’il a prononcé des propos critiques envers le régime, lui valant une série d’accusations judiciaires.
Un procès aux lourdes conséquences
Arrêté en août 2022, Jean-Marc Kabund a été inculpé pour douze infractions, dont l’outrage aux institutions, la propagation de faux bruits et surtout l’offense au chef de l’État.
En septembre 2023, la Cour de cassation l’a condamné à 7 ans de servitude pénale, cumulant les peines pour chaque infraction. Son avocat, Me Kadi Diko, avait dénoncé une sentence “disproportionnée” :
« La peine est sévère, 84 mois, c’est sévère ! »
La défense a toujours contesté les charges, affirmant que les preuves de sa culpabilité étaient insuffisantes. L’accusation, quant à elle, avait requis une peine de trois ans de prison, bien inférieure à celle finalement prononcée.
Le dossier Kabund s’est alors transformé en affaire politico-judiciaire majeure, avec des implications dépassant largement le cadre judiciaire. Son parti, l’Alliance pour le Changement, a dénoncé une persécution politique, qualifiant son leader d’“otage du pouvoir”.
Pourquoi cette libération maintenant ?
La sortie de Jean-Marc Kabund de la prison de Makala soulève plusieurs hypothèses :
1. Une grâce présidentielle discrète ?
• Félix Tshisekedi aurait-il accordé une mesure de clémence pour apaiser les tensions politiques ?
• Cette stratégie aurait pour but d’éviter que Kabund ne devienne un symbole d’oppression politique.
2. Un allègement de peine ?
• Il est possible que des révisions judiciaires aient permis une réduction de sa condamnation.
• Le ministère public pourrait avoir conclu que le maintien en détention n’était plus justifié, en raison du temps déjà purgé.
3. Une pression politique et internationale ?
• Plusieurs organisations de la société civile et acteurs politiques avaient dénoncé une instrumentalisation de la justice.
• Une médiation interne ou externe aurait pu aboutir à un compromis pour sa libération.
Quel avenir politique pour Jean-Marc Kabund ?
Sa libération redonne du souffle à son parti, l’Alliance pour le Changement, qui ambitionne de s’imposer comme une force alternative au régime actuel. Cependant, plusieurs questions se posent :
• Kabund va-t-il reprendre activement la politique ?
• Sera-t-il en mesure de mobiliser suffisamment de soutiens pour redevenir une figure de premier plan ?
• Son parti peut-il réellement peser face à l’UDPS et aux autres formations de l’opposition ?
Dans un contexte où le président Félix Tshisekedi cherche à consolider son pouvoir en vue de son second mandat, la réapparition de Jean-Marc Kabund pourrait redistribuer les cartes au sein de l’opposition.
Un symbole des tensions entre justice et politique
L’affaire Kabund dépasse le simple cadre de son arrestation. Elle illustre la politisation du système judiciaire en RDC, un phénomène régulièrement dénoncé par les opposants au régime.
Son cas rejoint d’autres figures politiques ayant fait face à des poursuites après avoir quitté le cercle du pouvoir. Certains y voient une tentative de museler les voix dissidentes, tandis que d’autres estiment que la justice doit jouer son rôle sans interférence politique.
Conclusion : un retour sous haute surveillance
Jean-Marc Kabund sort de prison, mais son avenir reste incertain. S’il décide de reprendre activement la politique, il devra composer avec les restrictions potentielles liées à sa condamnation et un climat politique encore tendu.
Son retour sur la scène publique sera scruté de près, autant par ses partisans que par le pouvoir en place. Reste à savoir s’il pourra transformer son épreuve en tremplin politique, ou si son influence restera marginale face aux enjeux actuels du pays.
La RDC entre incertitudes et recompositions politiques : une affaire à suivre.