Une réunion sous tension au Conseil de sécurité
Pour la troisième fois en deux mois, la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) a fait l’objet d’une réunion au Conseil de sécurité des Nations unies.
Lors de la session du mercredi 19 février, présidée par la Chine, les États-Unis ont fermement dénoncé la responsabilité du M23, accusé de violer les cessez-le-feu, de s’emparer de territoires sous de faux prétextes et de perpétrer des violences contre les civils.
Dans une déclaration sans équivoque, la représentante adjointe des États-Unis auprès de l’ONU, Dorothy Camille Shea, a pointé du doigt le Rwanda, principal soutien du M23 :
« Combien de fois devons-nous nous réunir pour discuter de ce cycle prévisible de violence ? Depuis deux mois, nous avons constamment vu le M23 et le Rwanda ignorer le cessez-le-feu, conquérir des territoires sous de faux prétextes et nier qu’ils n’avaient pas l’intention d’aller plus loin, pour finalement recommencer ce cycle. Nous avons vu le M23 semer le chaos, les violences contre les civils dans les rues de Masisi, Goma et maintenant Bukavu. Tout cela sous couvert de libération et du rétablissement de l’ordre. Les États-Unis condamnent fermement la prise de l’aéroport de Kavumu et la ville de Bukavu par le M23 et les forces rwandaises. »
Violation du cessez-le-feu et escalade militaire
Les propos de la diplomate américaine font écho aux multiples violations du cessez-le-feu signé dans le cadre des accords de Luanda et de Nairobi. Alors que le M23 affirmait ne pas vouloir poursuivre son expansion, il a pris le contrôle de Bukavu et de l’aéroport de Kavumu, marquant une avancée préoccupante en province du Sud-Kivu.
Face à cette montée en puissance du M23, Washington a réaffirmé son soutien à l’intégrité territoriale de la RDC et exigé un retrait immédiat des forces rwandaises.
« Nous continuons de pleinement soutenir le peuple congolais, la souveraineté et l’intégrité territoriale de leur pays. Une fois de plus, nous exhortons le M23 à mettre un terme immédiatement à son offensive et à se retirer de tous les territoires dont il a pris le contrôle. Nous exhortons également le Rwanda à cesser de soutenir le M23 et à retirer immédiatement ses forces de la RDC », a ajouté Dorothy Shea.
Des violations des droits humains dénoncées
La session de l’ONU a également été marquée par la publication de rapports accablants du Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme. Ces documents font état d’exécutions sommaires d’enfants à Bukavu, en plus d’autres graves exactions commises par le M23 dans les zones sous son occupation.
Les États-Unis ont mis en garde contre ces violations et se disent prêts à demander des comptes aux responsables de ces crimes.
« Nous avons maintenant des rapports confirmés du Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme faisant état d’exécutions sommaires d’enfants par le M23 à Bukavu, parmi d’autres graves violations des droits humains », a dénoncé la représentante américaine.
Face à cette situation alarmante, Washington envisage d’utiliser tous les outils à sa disposition, y compris des sanctions ciblées contre les responsables de l’instabilité et des violences en RDC.
Sanctions et pression sur le Rwanda
Les États-Unis ont insisté sur la nécessité de mettre fin à l’impunité et ont prévenu qu’ils pourraient travailler avec le Comité 1533 du Conseil de sécurité de l’ONU pour imposer de nouvelles sanctions.
« Il faut faire pression d’une manière intense pour forcer le Rwanda à revenir à la table des négociations dans le cadre du processus de Luanda dirigé par l’Angola. Les États-Unis sont prêts à œuvrer avec les membres du Conseil à des sanctions au Comité 1533. Nous exhortons les membres du Conseil à agir de toute urgence », a averti Dorothy Shea.
L’échec des initiatives diplomatiques régionales
Malgré ces interpellations, le M23 poursuit son avancée militaire, mettant en échec les processus de Luanda et de Nairobi, censés ramener la paix dans l’Est du Congo.
Les résolutions du sommet conjoint SADC-EAC, qui visaient une désescalade rapide, ne sont toujours pas mises en œuvre, près de deux semaines après les assises de Dar es Salaam en Tanzanie.
Dans ce contexte, la communauté internationale appelle à une reprise immédiate des négociations.
« Nous appuyons pleinement l’appel du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine en faveur de la reprise immédiate des négociations, du dialogue avec tous les États et les parties non étatiques, militaires comme non militaires, y compris le M23, dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi », a insisté la diplomate américaine.
L’Église congolaise propose un plan alternatif de sortie de crise
Parallèlement aux efforts diplomatiques officiels, les églises catholique et protestante de RDC ont lancé des consultations en vue d’un plan de sortie de crise.
Cette initiative, bien qu’accueillie positivement par une partie de la société civile, est critiquée par le pouvoir de Kinshasa, qui privilégie exclusivement les processus de Luanda et Nairobi, actuellement au point mort.
Une crise humanitaire et sécuritaire en pleine aggravation
Pendant que les tractations diplomatiques peinent à produire des résultats, la situation humanitaire continue de se détériorer dans l’Est de la RDC.
L’avancée du M23 a provoqué de nouveaux déplacements massifs de populations, avec des milliers de civils contraints de fuir leurs localités sous les bombardements et les affrontements.
La prise de Bukavu par le M23 constitue un tournant majeur dans la crise et pourrait déclencher une intervention militaire régionale, les autorités congolaises appelant à un renforcement des forces de la SADC et de l’EAC pour stopper l’offensive rebelle.
Un avenir incertain pour la RDC
Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU peine à prendre des mesures concrètes, la crise sécuritaire et humanitaire en RDC s’aggrave.
Les appels à la désescalade se multiplient, mais sans résultats concrets, laissant présager une intensification des combats et une instabilité prolongée dans la région.