Le football, on le dit souvent, n’est jamais « juste un jeu ». Ce 8 août, le Bayern Munich vient de le rappeler avec éclat en annonçant la rupture immédiate de son partenariat publicitaire avec la campagne « Visit Rwanda ».
Une décision aux allures de tacle appuyé, motivée non pas par un différend sportif ou commercial, mais par des considérations éthiques et politiques lourdes de sens : les violations graves des droits humains et les atrocités commises en République Démocratique du Congo par le régime de Paul Kagame, via ses relais armés M23/RDF/FDLR.
Un partenariat qui ne tenait plus debout

Depuis 2023, l’Allianz Arena affichait fièrement le slogan « Visit Rwanda » sur ses panneaux LED et dans ses espaces de promotion. L’objectif : booster l’image touristique du Rwanda sur la scène mondiale grâce à l’aura d’un géant du football européen.
Mais à mesure que les rapports de l’ONU et les dénonciations de Kinshasa s’accumulaient, l’image de carte postale véhiculée par Kigali se fissurait. Derrière les paysages de volcans et de gorilles de montagne, se cachait une réalité bien plus sombre : celle d’un régime accusé de soutenir militairement le M23, responsable de massacres, de déplacements massifs et d’atrocités à grande échelle à l’Est de la RDC.
Des faits trop lourds pour rester dans le silence
Début 2025, la prise de Goma et de Bukavu par les rebelles du M23/AFC avec, selon de multiples sources, le soutien actif de l’armée rwandaise – a fait basculer la situation dans l’horreur :
Des milliers de morts recensés en quelques semaines. Des centaines de milliers de déplacés, fuyant vers des camps déjà saturés. Des accusations de crimes de guerre documentées par les Nations Unies.
Face à ce tableau, maintenir un partenariat publicitaire avec un État mis en cause devenait une question de crédibilité. Et dans le monde du sport-business, où l’image compte autant que les trophées, le Bayern a choisi de trancher.
Ce que cela change (et ne change pas)
Le club bavarois ne coupe pas tous les liens avec Kigali, il recentre la collaboration sur la formation de jeunes talents via l’académie de Kigali. Une manière de maintenir une vitrine sportive tout en retirant la caution touristique.
C’est un signal fort, mais partiel. Le message envoyé reste clair : l’Europe du sport commence à regarder de plus près les zones d’ombre derrière certains sponsors. La fin de la promotion touristique signifie aussi la fin d’une partie du « sportswashing » qui permettait au régime rwandais de polir son image à l’international.
Un précédent qui peut faire tache d’huile
La décision du Bayern pourrait inspirer d’autres clubs européens liés à des sponsors issus de régimes controversés. Dans un contexte où les opinions publiques sont de plus en plus sensibles aux questions de droits humains, les grandes marques sportives ne peuvent plus se permettre d’ignorer l’impact de leurs alliances.
La rupture avec « Visit Rwanda » marque peut-être un tournant : celui où les valeurs affichées dans les tribunes – respect, justice, solidarité – doivent enfin s’aligner avec les partenariats commerciaux.
Conclusion : plus jamais de tourisme sur le sang
Pour les victimes congolaises, ce geste symbolique ne ramènera pas les vies perdues. Mais il rappelle que l’indifférence internationale n’est pas une fatalité. Quand un acteur aussi puissant que le Bayern Munich choisit de se désolidariser publiquement d’un régime accusé d’atrocités, c’est un coup porté à la machine de propagande qui cherche à faire oublier les crimes derrière une campagne touristique.
La balle est désormais dans le camp des autres clubs, sponsors et institutions : feront-ils le choix du silence… ou celui de la dignité ?