APPEL À L’ACTION : LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO DEVRAIT AUTORISER L’ACCÈS DIRECT DES INDIVIDUS ET ONGS À LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES.

Faustin Dunia
8 Min Read

Auteur : Me Arlette KITUMAINI est une Jeune Avocate Congolaise inscrite au Barreau de l’Ituri. Elle est titulaire d’une licence en Droit Public Interne et International a L’université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL-GOMA). Elle poursuit actuellement son Master (LLM) en Droits de l’Homme et Démocratisation en Afrique au Centre for Human Right, Université de Pretoria en Afrique du Sud.

SITUATION DE DROITS DE L’HOMME EN RDC

-Publicite -

La République démocratique du Congo (RDC) a une histoire complexe et troublante en matière de droits de l’homme, caractérisée par des décennies de conflits, d’instabilité politique et de difficultés économiques.

Bien qu’elle soit signataire de nombreux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte Africaine), le Protocole portant création de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples, l’application effective de ces instruments reste un défi.
Les causes de cette défaillance sont multiples : mauvaise gouvernance, corruption endémique, manque de ressources, conflit armé persistant, et ingérence étrangère, en particulier du Rwanda.

Ce contexte empêche une mise en œuvre efficace de la justice, laissant de nombreuses victimes sans recours.

C’est dans ce contexte que, le 21 août 2023, la RDC a déposé une plainte auprès de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour Africaine) contre la République du Rwanda alléguant des violations de droits humains. Selon la RDC, le Rwanda soutient le groupe rebelle M23 depuis 2021 violant ainsi le cadre légal essentiel de l’Union Africaine en matière des droits de l’homme, la Charte Africaine.

Ce dernier serait responsable de massacres, de déplacements forcés de populations civiles, et de la destruction d’établissements scolaires et d’infrastructures. Malgré ces graves allégations, le Rwanda a toujours nié toute implication dans l’aide aux rebelles du M23.

🔥 Ne passez pas à côté ! Découvrez :  Une coupure d'Internet qui isole Goma et amplifie les tensions

Cette affaire est d’une importance décisoire pour les droits de l’homme sur le Continent Africain, dans la mesure où elle constitue la première instance dans laquelle un État saisi la Cour Africaine contre un autre Etat pour des violations de droits de l’homme, conformément à l’article 5 du Protocole établissant la Cour. En agissant de la sorte, la RDC marque un tournant historique en termes de responsabilité étatique devant une instance régionale, ce qui pourrait permettre l’établissement d’une jurisprudence innovante concernant la justiciabilité des engagements interétatiques liés aux droits de l’homme.

Un tel précédent pourrait inciter d’autres nations à se tourner vers la Cour pour protéger les droits fondamentaux et promouvoir l’obligation de rendre compte et de transparence sur le Continent.
Cette saisine pourrait également à l’échelle nationale, aider à calmer les tensions diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, en favorisant une démarche juridique axée sur la justice plutôt que sur le conflit. En revendiquant la justice et réparation pour les victimes, la RDC manifeste son intention de consolider l’État de droit et de sauvegarder sa souveraineté dans le respect des standards régionaux.

Cette dynamique pourrait favoriser la paix, la justice sociale et la coopération régionale basée sur les principes démocratiques, le respect des droits de l’homme et l’intégrité territoriale.

UN PARADOXE INQUIÉTANT

En effet, en demandant justice à la Cour africaine pour des violations présumées des droits de l’homme commises par le Rwanda, la RDC a franchi une étape importante en matière de reconnaissance de la compétence de la Cour Africain et d’affirmation de la responsabilité étatique dans le système juridique Africain.

🔥 Ne passez pas à côté ! Découvrez :  Joseph Kabila sort de son silence et propose un pacte citoyen pour selon lui sauver la RDC

Toutefois, cette initiative met en évidence un paradoxe troublant : alors que la RDC recourt à la Cour pour défendre et obtenir réparation au nom de ses citoyens, ces derniers, ne peuvent pas accéder directement à la même voie judiciaire.

Cette limitation résulte du fait que la RDC n’a pas déposer la déclaration nécessaire au titre de l’article 34(6) du protocole établissant la Cour africaine, qui accepterait aux individus et ONGs de porter des affaires directement devant la Cour.
En vertu de cette disposition, un État partie au Protocole doit soumettre une déclaration spéciale au Secrétariat de l’Union africaine pour permettre aux particuliers et aux ONG d’accéder directement à la Cour africaine.

Sans cette déclaration, l’accès à la Cour reste indirect, uniquement par le biais de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Ce mécanisme indirect est moins accessible, car il dépend de la volonté discrétionnaire de la Commission de renvoyer une affaire devant la Cour. L’exemple de l’affaire OGIEK au Kenya illustre que ce processus peut réussir, mais il demeure rare et peu prévisible
L’une des raisons possibles de l’hésitation de la RDC pourrait être la crainte d’un contrôle et d’une responsabilité externes, que certains pourraient percevoir comme une atteinte à la souveraineté nationale.

Toutefois, cette perspective ne tient pas compte du fait que l’engagement dans les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme est un signe de force, et non de faiblesse. Il témoigne d’un engagement en faveur de la responsabilité et de la protection des droits des citoyens.

🔥 Ne passez pas à côté ! Découvrez :  Retour de l’armée et des Wazalendo à Walikale-Centre après le retrait des rebelles de l’AFC/M23 : Un tournant stratégique

POURQUOI LA RDC DEVRAIT-ELLE DÉPOSER SA DÉCLARATION CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 34(6) ?

Le retard pris dans cette étape cruciale a de profondes implications dans la protection des droits de l’homme en RDC. En tant demandeur dans une procédure devant la Cour africaine, la RDC devrait déposer sa déclaration pour renforcer un système judiciaire plus accessible pour ses citoyens. Un tel engagement renforcerait la compétence de la Cour Africaine face l’escalade des défis au fonctionnement et à l’existence même de la Cour, notamment la tendance inquiétante de certains Pays à retirer leur déclaration en vertu de l’article 34(6) à se retirer de la Cour. Ces retraits mettent en péril l’avenir de la Cour, d’autant plus que les particuliers constituent la majorité des affaires traitées par la Cour et sans leur accès, la Cour perdrait une grande partie de la pertinence.

CONCLUSION

La RDC devrait donc démontrer son attachement à ses engagements internationaux en matière des droits de l’homme en déposant cette déclaration. Ceci renforcerait l’accès à la justice aux Citoyens Congolais, en particulier les groupes marginalises, et aux ONG qui les représentent devant la Cour Africaine, comme ce fut le cas dans l’affaire Centre for Human Right et Al. V la Tanzanie, tout en consolidant son image et sa légitimité sur la scène Internationale améliorant ainsi ses relations avec d’autres Nations et Organisations Internationales. Cela pourrait encore encourager d’autres Pays Africains a faire de même, et contribuer ainsi à l’édification d’un système africain de droits de l’Homme plus accessible, plus cohérent et plus fort.

Partager cet article