Alors que la signature d’un accord de principes entre les gouvernements de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda, sous la médiation des États-Unis et du Qatar, ainsi que le communiqué conjoint entre les délégués congolais et les rebelles de l’AFC/M23 sont perçus par certains comme une avancée diplomatique majeure vers la paix dans l’Est du pays, le mouvement citoyen Filimbi lance l’alerte sur les dangers d’un processus mené sans justice, ni consultation populaire.
Une paix dictée par l’extérieur ?
Dans une déclaration musclée faite le lundi 28 avril 2025, le mouvement Filimbi, qui signifie « coup de sifflet » en swahili, a vivement dénoncé les modalités de ces négociations :
« Ces démarches, menées sous pression régionale et internationale, avec les États-Unis et le Qatar en tête, semblent reproduire un schéma bien connu : celui où la violence armée est récompensée par des compromis politiques, au détriment de la souveraineté nationale, de la justice pour les victimes, et de l’intégrité des institutions congolaises », lit-on dans leur déclaration.
Le mouvement s’interroge sur la légitimité d’un processus qui pourrait, selon lui, sacrifier la justice sur l’autel d’une paix temporaire, tout en consolidant l’impunité et en renforçant le pouvoir de nuisance des groupes armés.
Trois lignes rouges de Filimbi
Face à cette situation, Filimbi pose trois lignes rouges claires et non négociables dans le processus de paix :
- Rejet catégorique du mixage des groupes armés dans l’armée nationale : « Le mixage a affaibli notre armée par le passé, entraînant sabotages, infiltrations et manque de loyauté. Notre souveraineté exige une armée républicaine, unie et disciplinée ».
- Aucune amnistie pour les crimes graves : « Les crimes contre l’humanité, les viols massifs et les massacres ne peuvent être effacés par un accord politique. La justice est une condition sine qua non d’une réconciliation véritable. »
- Refus de toute reconnaissance politique du M23 : « Reconnaître un groupe armé revient à légitimer la violence comme moyen d’action politique. En 2023, les Congolais ont choisi les urnes, pas les armes. Ce choix doit être respecté. »
Une paix sans vérité est une illusion
Pour Filimbi, il ne peut y avoir de paix durable sans vérité, justice et réparation. Le mouvement rappelle avec insistance les occupations en cours de plusieurs territoires de l’Est :
- Bunagana : 1050 jours d’occupation par le M23
- Goma : 91 jours
- Bukavu : 72 jours
« La souveraineté nationale n’est pas négociable. Accepter un règlement sans reconnaître les souffrances ni punir les coupables, c’est poser les bases d’un nouveau cycle de violence », affirme le mouvement.
Un processus de paix sans la société civile est voué à l’échec
Enfin, Filimbi appelle à l’inclusion pleine et entière de la société civile dans le processus de paix. Selon eux, les échecs du processus de Nairobi en 2022 démontrent que toute paix imposée de l’extérieur, sans les populations concernées, est vouée à l’échec.
« La paix ne peut être décrétée dans des capitales étrangères. Elle doit être construite avec les peuples, pour les peuples. »
Le contexte diplomatique
La déclaration de Filimbi intervient alors que, à Kinshasa, le Secrétaire d’État américain Marco Rubio, la ministre congolaise des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner et son homologue rwandais Olivier Nduhungireye ont signé une déclaration de principes visant à promouvoir la paix et le développement économique dans la région des Grands Lacs.
En parallèle, des délégués du gouvernement congolais et ceux de l’AFC/M23 ont lu une déclaration conjointe à la RTNC, depuis Doha (Qatar), annonçant leur volonté commune de travailler à une trêve.