Depuis la fin janvier 2025, la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, est occupée par les rebelles de l’AFC/M23. Cette occupation a plongé la ville dans une spirale d’insécurité, d’instabilité économique et de détresse sociale. Les habitants, déjà éprouvés par des années de conflits à répétition, vivent aujourd’hui dans un climat de peur permanente, marqué par des violences, des extorsions et des restrictions sans précédent.
Cambriolages, assassinats et taxation abusive
Les attaques nocturnes se sont multipliées dans les quartiers périphériques. Dans la nuit du 13 au 14 avril, un ancien chauffeur du médecin-chef de la zone de santé de Karisimbi et son fils, élève en 4ᵉ année construction à l’école du Cinquantenaire, ont été assassinés à leur domicile. Leur mère, grièvement blessée, a succombé à ses blessures le lendemain. Cette tragédie n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
À Virunga, un pasteur a été violemment agressé à son domicile dans la nuit du 15 avril. Les assaillants l’ont frappé à la tête et aux genoux après lui avoir exigé de l’argent. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, la victime raconte :
« Ils ont dit que c’est moi qui possède les dollars à Goma, voilà comment ils m’ont tabassé, je n’arrive même pas à marcher. »
Intimidations, fouets et enrôlements forcés
Les cas de torture et de punition publique se banalisent. Une vidéo virale montre des éléments du M23 fouettant un jeune homme au stade de l’Unité. De telles scènes sont devenues monnaie courante. Des enrôlements forcés de jeunes ont aussi été signalés dans plusieurs quartiers.
Économie à genoux et pression fiscale accrue
La situation économique est dramatique. Les banques sont fermées, les prix des produits de base explosent et une pression fiscale extrême s’exerce sur les commerçants. Au marché Alanine, une taxe quotidienne initialement à 500 FC est aujourd’hui exigée à 2 000 FC.
La CADECO, l’unique structure fiscale fonctionnelle, est désormais utilisée par les rebelles pour collecter des taxes imposées de force, ce qui suscite indignation et colère dans les rangs des petits commerçants.
Le salongo obligatoire : un samedi de contraintes
Tous les samedis matin, les habitants sont contraints de participer au salongo (travaux communautaires). Entre 6h et 11h, toute circulation de véhicules et taxis est interdite. Même pour passer la frontière vers le Rwanda, une preuve de participation est exigée. Une mesure perçue comme une atteinte à la liberté de mouvement.
Affrontements incessants et persistance de la peur
Malgré cette occupation, la ville reste théâtre de combats. Dans la nuit du 11 au 12 avril, une attaque menée par des combattants Wazalendo vers Mugunga a causé plus de 50 morts. Ces affrontements viennent exacerber le climat de tension au sein de la population déjà traumatisée.
Entre promesses et silence diplomatique
Le gouvernement congolais a condamné les violences et promis des enquêtes. Mais sur le terrain, la peur règne. Lors d’un rassemblement populaire à Kasika, quartier de la commune de Karisimbi, des habitants ont interpellé les autorités militaires du M23 :
« Comment voulez-vous que l’on envoie nos enfants dans une armée qui commence par les torturer ? », a dénoncé un homme.
« Moi, j’ai surtout peur des fouets », a ajouté une femme. « Quand on voit leurs véhicules, on s’enfuit. »
Et maintenant ?
Alors que les discussions diplomatiques régionales se poursuivent et que Kinshasa affirme vouloir restaurer l’autorité de l’État, aucune amélioration tangible n’est perceptible à Goma. L’insécurité, les abus et les incertitudes dominent le quotidien d’une population otage de l’instabilité politique et militaire.