Walikale-centre, chef-lieu du territoire éponyme dans la province du Nord-Kivu, se vide progressivement de ses habitants en raison de la progression des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). Depuis ce lundi 17 mars 2025, les combattants se sont rapprochés de la localité de Mutakato, dans le groupement Banabangi, à seulement 25 kilomètres de Walikale-centre. Cette situation a déclenché un mouvement massif de populations vers Kisangani, dans la province voisine de la Tshopo, via la Route Nationale 3 (RN3), selon plusieurs sources locales.
Un territoire en plein exode
Le week-end dernier, le flux de déplacés s’est intensifié, avec des familles entières quittant précipitamment la ville par crainte d’affrontements imminents.
« Toute la population est partie. Ici, à Walikale-centre, il ne reste que les militaires des FARDC et les wazalendo. Seules quelques personnes qui résistent sont encore présentes », confie un acteur de la société civile locale, témoin des départs massifs observés tout au long de la journée sur la RN3.
Les activités socio-économiques ont pratiquement cessé depuis plusieurs jours. Les commerces sont fermés, les marchés désertés, et les services publics paralysés.
« Chacun cherche à se protéger et mettre à l’abri ce qu’il a », indique une autre source locale.
Bien que Kisangani soit située à 430 kilomètres, les déplacés n’en font pas forcément leur destination finale. Beaucoup préfèrent s’installer provisoirement dans des villages situés le long de la RN3, suivant de près l’évolution de la situation à Walikale.
« Beaucoup sont déjà arrivés dans des villages comme Losso, Mungele, Tingitingi, Lubutu, Mubi, Ndjingala, Lobu et Makana, qui marquent la frontière entre le Nord-Kivu et le Maniema », rapporte un mobilisateur communautaire encore présent à Walikale-centre après avoir mis sa famille à l’abri.
Un exode difficile et coûteux
Les déplacés effectuent la plupart du trajet à pied, certains par manque de moyens, d’autres faute de transport disponible. Quelques motocyclistes profitent néanmoins de la situation pour transporter les plus fortunés à des tarifs excessifs.
« En temps normal, une moto prend deux passagers et chaque personne paie 5 000 francs congolais pour un trajet de Mubi à Ndjingala, soit 32 kilomètres. Mais en cette période de crise, les tarifs ont explosé : chaque passager doit maintenant payer 30 000 francs, soit six fois le prix habituel », témoigne un habitant fuyant Walikale-centre ce lundi matin.
Une situation sécuritaire de plus en plus préoccupante
Ce lundi matin, des tirs sporadiques ont retenti dans Walikale-centre, accentuant la panique parmi les derniers habitants.
« Nous ne savons pas pourquoi nos militaires tirent en désordre », s’inquiète un agent de l’État encore présent sur place.
Par ailleurs, la gestion de cette crise sécuritaire est compliquée par l’absence de l’administrateur militaire du territoire. Ce dernier se trouve actuellement à Beni, où se tient une formation regroupant les responsables des entités territoriales décentralisées. Depuis la chute de Goma en janvier, Beni est devenue le chef-lieu administratif provisoire du Nord-Kivu, ajoutant une contrainte supplémentaire à la gouvernance de cette province en proie aux conflits.
Vers un nouvel effondrement sécuritaire ?
L’évolution de la situation à Walikale intervient dans un contexte où l’AFC/M23 consolide son emprise sur plusieurs localités du Nord-Kivu. Après avoir pris Goma fin janvier, puis Bukavu en mars, les rebelles poursuivent leur avancée vers l’ouest du territoire. Si l’armée congolaise et les wazalendo tentent de contenir cette progression, les moyens à leur disposition semblent limités face à la menace grandissante.
L’issue des pourparlers de Luanda, qui débutent ce mardi 18 mars, sera donc déterminante. Ces négociations, menées sous l’égide du président angolais João Lourenço, visent une résolution politique du conflit. Cependant, sur le terrain, la population de Walikale-centre n’attend pas d’éventuels accords : elle fuit déjà vers l’inconnu, dans l’espoir de trouver un refuge loin du chaos.
