L’ancien président congolais Joseph Kabila a adressé une sévère mise en garde à l’Afrique du Sud concernant son engagement militaire en République démocratique du Congo (RDC). Dans une tribune publiée ce dimanche par The Sunday Times, un des plus grands journaux sud-africains, Kabila critique le déploiement des troupes sud-africaines en RDC sous mandat de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
« Le monde observe pour voir si l’Afrique du Sud — connue pour son humanisme et ses valeurs — continuera à envoyer des troupes pour soutenir un régime tyrannique et combattre les aspirations du peuple congolais », écrit-il.
Cette prise de position marque une rupture forte entre l’ancien chef d’État congolais et l’actuel gouvernement de Félix Tshisekedi, alors que la situation sécuritaire dans l’est de la RDC continue de se détériorer face à l’avancée du M23 et aux tensions croissantes avec le Rwanda.
Une Critique de l’Approche Militaire de la SADC
Joseph Kabila remet en question la stratégie militaire adoptée par la SADC pour résoudre la crise congolaise, soulignant que les racines du conflit sont avant tout politiques, sociales et institutionnelles.
« La persistance de la mauvaise gouvernance en RDC conduira inévitablement à de nouvelles vagues de troubles politiques, d’insécurité et de conflits armés », avertit-il.
Selon lui, l’intervention militaire de la SADC risque d’aggraver la situation au lieu de la stabiliser. Il estime que l’organisation régionale devrait tirer des leçons de l’histoire de ses États membres et adopter une approche politique et diplomatique plutôt qu’un recours exclusif à la force.
Il critique également le gouvernement congolais actuel, affirmant que la crise en cours ne peut être réduite à un simple affrontement entre la RDC et le Rwanda, ou aux actions du M23. Pour lui, la racine du problème est bien plus profonde et nécessite une solution globale prenant en compte les droits politiques et la gouvernance du pays.
Retour sur le Pacte Républicain et la Gouvernance de Tshisekedi
Kabila pointe du doigt la remise en cause du Pacte républicain issu du dialogue inter-congolais de Sun City, qui avait permis la réunification du pays et la première alternance politique pacifique en 2019.
« Depuis, la situation en RDC s’est détériorée, notamment avec les violations répétées de la Constitution et les élections truquées de décembre 2023 », dénonce-t-il.
L’ancien président accuse Félix Tshisekedi d’avoir mis en place un régime répressif, caractérisé par :
- La censure des médias
- L’exil forcé des opposants politiques
- La répression des manifestations et des leaders religieux
Pour Kabila, une solution durable au conflit ne pourra être trouvée sans une prise en compte de ces réalités.
Un Appel à une Approche Plus Large de la Crise
Plutôt que d’envoyer uniquement des soldats pour soutenir le gouvernement congolais, Joseph Kabila appelle l’Afrique du Sud et la SADC à jouer un rôle plus constructif.
Il propose une stratégie en trois axes :
- Promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance en RDC
- Encourager un dialogue politique inclusif
- Mettre en place un mécanisme de stabilisation à long terme pour éviter de nouvelles crises
Cette tribune intervient alors que :
- La rébellion du M23 poursuit son avancée dans le Nord-Kivu.
- Kinshasa réclame des sanctions renforcées contre Kigali.
- La SADC maintient son engagement militaire en RDC.
L’Afrique du Sud, quant à elle, cherche une approche coordonnée avec d’autres partenaires africains et internationaux.
Conclusion
Avec cette prise de parole, Joseph Kabila s’impose une nouvelle fois comme un acteur clé du débat politique congolais. En s’opposant frontalement à l’implication militaire de la SADC et en dénonçant la gouvernance de Félix Tshisekedi, il repositionne son discours sur la scène régionale.
Sa critique soulève une question essentielle : une solution militaire suffira-t-elle à ramener la paix en RDC ou faut-il une réforme politique en profondeur ?
L’avenir du pays dépendra en grande partie de la réponse à cette interrogation.